Six oeuvres (du solo à l’ensemble, avec ou sans électronique) pour entrer dans le monde de Jean-Luc Hervé (né en 1960), compositeur discret mais essentiel de la musique contemporaine. Ce programme panoramique offre un bel aperçu d’une musique significative des enjeux du début du XXIe siècle. Accueillante, comme un jardin auquel le compositeur compare chacune de ses partitions, la musique de Jean-Luc Hervé peut impressionner (Déjà, extraordinaire numéro d’illusionniste pour piano et disklavier) ou émouvoir (Dans l’heure brève, étrange étirement d’un glacis instrumental) avec une grâce égale.
Jean-Luc Hervé et l’Ensemble Court-circuit nous proposent ici un voyage dans un jardin, entre mouvement et contemplation, itinéraire chargé d’images – comme un tableau de Soulages ou un mobile de Calder -, identique et changeant à la fois en fonction de l’éclairage, de l’heure du jour, de la position de celui qui écoute, œuvre mouvante, vivante animée de sa vie propre. Il s’agit d’une série de pièces à écouter et réécouter pour en saisir toutes les facettes et profiter du voyage.
Note de l’auteur :
Lorsque j’ai commencé à réfléchir sur ma pièce Dans l’heure brève, je me suis posé essentiellement des questions formelles : comment créer une forme musicale qui se modifie sans cesse au cours du déroulement de l’œuvre, qui se renouvelle au fur et à mesure que l’on avance dans l’écoute, c’est-à-dire comment donner à chaque instant successif un poids suffisant pour faire basculer notre compréhension de ce qui s’est passé. Mais ceci en donnant en même temps l’impression que la musique va toujours dans une direction précise, qu’elle ait un sens, qu’elle reste dynamique.
Pour parvenir à ce résultat il m’a paru nécessaire de travailler sur des aspects musicaux reliés le plus directement à la perception. En choisissant quelques uns de ces aspects les plus « efficaces » perceptivement, en les faisant évoluer d’un extrême à un autre, progressivement, puis en revenant au départ brutalement et à nouveau en allant progressivement vers l’autre extrême en un processus cyclique en dent de scie, en décalant les aboutissements des processus pour chacun de ces aspects, il me semblait que je pouvais déplacer l’intérêt perceptif et arriver ainsi à l’effet recherché.
J’ai élaboré en conséquence le plan formel de la pièce en travaillant sur le niveau d’appréhension de l’œuvre musicale le plus immédiat, le plus signifiant perceptivement, celui des images sonores, en faisant évoluer de manière décalée quatre de ces aspects :
– les registres : de l’aigu au grave.
– l’instrumentation : du duo au tutti.
– les nuances : du pianissimo au fortissimo,
– la texture : d’un aspect gestuel, agité, heurté à celui de trame.
Jean-Luc Hervé.