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En hommage à Christophe Bertrand

 nous a quittés en 2010, il avait 29 ans.

Pianiste et compositeur précoce – ce musicien incroyablement doué fut l’élève d’Ivan Fedele au Conservatoire de Strasbourg dès l’âge de 15 ans – il laisse quelque trente oeuvres inscrites à son catalogue. Regardant vers Ligeti et les compositeurs spectraux, sa musique, toujours savamment conduite, relève d’un geste virtuose jouant sur les combinaisons métriques et le raffinement sonore des textures. A 19 ans il est programmé au Festival Musica et en 2005, Pierre Boulez dirige sa pièce d’orchestre Mana au Festival de Lucerne. Il fut le co-fondateur de l’ basé aujourd’hui à Strasbourg.

Christophe Bertrand

Les musiciens de cet ensemble, associés ce soir à ceux de Court-Circuit, lui rendaient un vibrant hommage lors d’un concert enregistré par France Musique et diffusé en direct dans le cadre du Concert Contemporain présenté par Arnaud Merlin. Sur le plateau du studio 105 de la Maison de la Radio, les interprètes donnaient six pièces pour solistes et ensemble qui feront l’objet d’un CD monographique à paraître dans les mois suivants sous le label Motus que dirige Vincent Laubeuf.

Sanh (qui veut dire trois en chinois) pour clarinette basse, violoncelle et piano conviaient sur scène les musiciens de Court-Circuit. C’est une pièce d’une grande finesse jouant sur des textures transparentes et toujours mouvantes dont l’instabilité rythmique et les couleurs microintervalliques confèrent une fragilité et une sensibilité extrêmes aux configurations sonores.

Arashi (2008) pour alto solo signifie en japonais « vent de tempête ». Elle met à l’oeuvre la virtuosité que  aime déployer en tant que véhicule de l’énergie et d’une certaine « frénésie communicative » selon ses propres mots. Vincent Royer en donnait une version totalement « électrisée ».

Ecrite à 17 ans, Skiai (mot grec signifiant « ombres ») pour six instruments sidère par sa puissance expressive. Aux antipodes de sa manière virtuose, Christophe Bertrand y explore un univers sonore raréfié et fantomatique, aux trajectoires sinueuses, dont les musiciens d’In Extremis, magnifiquement concentrés, communiquaient l’inquiétante lenteur et la plasticité des figures sonores.

Si Treis (trois) pour violon, violoncelle et piano, une des premières partitions du catalogue de Christophe Bertrand, convainc moins sous les doigts pourtant experts des musiciens d’In extremis, Ektra (2001), superbement jouée par son dédicataire et créateur Olivier Class, est une pièce fulgurante, d’une virtuosité insensée, jouant sur la projection et les trajectoires du son dans l’espace acquérant une brillance inouïe.

Jean Deroyer était à la tête des musiciens de Court-Circuit pour terminer magistralement le concert avec Satka (« groupe de six » en sanscrit), une pièce dédiée à Jean-Dominique Marco, directeur du Festival Musica de Strasbourg. L’écriture est gorgée d’énergie, ludique autant que virtuose, mettant à l’oeuvre les processus de développement pour innerver la matière sonore et en saturer l’espace dans un geste très jubilatoire.

Par Le 24 janvier 2014

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