Paris, Festival ManiFeste 2013, IRCAM, Espace de Projection, mercredi 19 juin 2013
Metallics, pour trompette et dispositif électronique en temps-réel, est l’une des pages les plus représentatives à la fois de son auteur, Yan Maresz, et de l’IRCAM, où elle a été réalisée. Conçue en 1994 durant le Cursus de composition et d’informatique musicale de l’IRCAM, révisée en 2001, cette pièce est à la source de la mise au point par l’Institut de deux outils conçus pour une plus grande interactivité entre l’instrument et l’ordinateur, un micro-capteur placé dans l’embouchure de l’instrument qui, par une analyse extrêmement précise du signal d’entrée, permet le suivi de hauteurs et d’amplitude, et un petit déclencheur situé sur l’instrument actionné par l’interprète par le biais de son pouce.
Désormais au répertoire de tous les trompettistes un tant soit peu ouverts à la musique de notre temps, Metallics a été interprété hier par le créateur des trois versions qu’a connues l’œuvre, Laurent Bômont. Membre de l’Ensemble Court-Circuit, jouant l’œuvre avec une aisance naturelle, passant dextrement d’une sourdine à l’autre, il en a donné une interprétation lumineuse l’inscrivant à la fois dans la modernité et dans le classicisme, secondé par une électronique bien assimilée et qui apparaît du coup sans artifices, tant timbres et sons sont subtilement dosés et son utilisation fluide…
Après une diffusion des sons informatiques sans accroc, l’on s’attendait à ce que l’œuvre suivante, usant de procédés voisins de ceux de Metallics, soit diffusée sans pus de problèmes côté console… Or, cela n’aura pas été le cas, ladite œuvre, donnée en création, ayant connu d’entrée un aléa électronique. A la vue du visage de la soprano allant se décomposant, le public a très vite compris qu’il se passait quelque chose d’anormal, avant qu’elle n’interrompt soudain l’exécution et fasse signe à la technique de sa décision, puis, une longue poignée de secondes plus tard, de donner un nouveau départ, une fois le problème résolu dans la bonne humeur.Arboretum : of myths and trees de Diana Soh (née en 1984) a été réalisé en 2012-2013 dans le cadre du Cursus 2 de composition et d’informatique de l’IRCAM, à l’instar de Metallics de Maresz dix-huit ans plus tôt. La jeune singapourienne, qui a commencé le piano à 4 ans dans sa ville natale avant de se rendre à Buffalo (Etats-Unis) et de passer entre autres par Royaumont, Acanthes et Gaudeamus, a choisi de mettre en musique un texte en trois parties de James R. Currie – Diana Soh a déjà composé un opéra de chambre (The Boy who lived down the lane) sur un livret de Currie – consacré au mythe d’Apollon et Daphné, qui a inspiré quantité de poètes et de compositeurs – Richard Strauss en a tiré un opéra en 1936 trop rare sur les scènes françaises. Ecrite pour soprano, deux flûtes, harpe, piano et dispositif électronique, la partition atteste d’une énergie et d’une maîtrise du son, de la voix et de l’outil informatique incontestable.
Court-Circuit, Jean Deroyer, était au pupitre du chef -, a été le sextuor pour vents et cordes (flûte, clarinette, cor, violon, alto et violoncelle) sans électronique de Luis Fernando Rizo-Salom (né en 1971). Les Quatre pantomimes pour six du compositeur colombien est immédiatement séduisante, avec ses rythmes syncopés, son énergie vitale qui ne cesse de se renouveler et qui lui donne une pulsation conquérante. Le violoncelle est l’assise de la pièce, Rizo-Salom lui faisant utiliser tous les modes de jeux possibles, et le cor, dont les hurlements et les stridences usent continuellement de glissandi, ce qui donne à l’œuvre un côté ludique de bon aloi, à l’instar de la partition entière, joyeuse, joueuse, complexe mais sans en avoir l’air…
Le 20 juin 2013