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L’ensemble Court-Circuit a célébré ses 20 ans en beauté

Superbe et chaleureuse soirée anniversaire, hier lundi, Théâtre des Bouffes du Nord.

L’ensemble Court-Circuit célébrait ses vingt ans entouré de son public, de ses amis, de compositeurs et de musiciens (1). L’atmosphère bon enfant engendrée par ce public amène où l’on distinguait le premier directeur musical de l’ensemble, Pierre-André Valade discrètement assis au milieu des fidèles, a été agrémentée par la présentation affectueuse et contenue du fondateur-animateur-directeur artistique de la formation, le compositeur Philippe Hurel, qui a fait une courte évocation de l’histoire et des spécificités de Court-Circuit, avant de remercier tous les musiciens qui ont participé au renom de l’ensemble et les personnalités qui l’ont aidé depuis ses débuts à Genève à l’invitation d’un couple de médecins galeristes suisses dans un programme « spectral » composé de pages de Gérard Grisey et Tristan Murail qui allaient très vite devenir deux des compositeurs favoris de l’ensemble. Après une invitation à l’ensemble du public à se joindre à des agapes offertes par la Sacem et le Centre de documentation de la musique contemporaine (CDMC), Hurel a demandé avec empressement aux musiciens de l’ensemble de bien vouloir accepter d’accélérer « légèrement » les tempi des œuvres programmées, le plus important se trouvant dans l’après-concert afin que le dialogue s’instaure en toute convivialité entre musiciens, compositeurs et mélomanes.

Ensemble Court-Circuit

Le programme de ce concert qui retraçait à grands traits l’histoire et l’esprit de Court-Circuit a proposé des œuvres représentatives du répertoire que l’ensemble défend avec foi et conviction depuis 1992, des aînés Gérard Grisey et Tristan Murail, aux plus jeunes, avec l’un de leurs représentants les plus inventifs, le regretté Christophe Bertrand, en passant par la génération des années 1950, avec Philippe Leroux et Philippe Hurel. En présence des parents du compositeur, le concert s’est ouvert sur une pièce du plus jeune, Christophe Bertrand, disparu à l’âge de 29 ans le 22 septembre 2010, SANH pour clarinette basse, violoncelle et piano, trois instruments graves aptes aux aigus les plus extrêmes. Composée en 2010, dédiée au clarinettiste Armand Angster fondateur de l’ensemble Accroche Note, cette pièce se fonde sur le sens de ce mot chinois qui signifie à la fois « trois » et « éparpillé », et met en œuvre trois instruments et les différentes combinaisons qui en découlent, du contrepoint le plus horizontal aux effets de masse et différents moyens appelés à créer un effet d’a-synchronie permanente. Si la pulsation est la même du début à la fin, précise le compositeur, elle n’est jamais perceptible, et à de très rares instants seulement, cet éparpillement est contrarié, ces sensations étant obtenues par divers procédés déployés dans les cinq sections de l’œuvre. Jean-Marie Cottet (piano), Pierre Dutrieu (clarinette) et Alexis Descharmes (violoncelle) en ont donné toute la sève et la fraîcheur faisant d’autant plus regretter le départ précoce de son auteur, dont la mémoire planait au-dessus de la salle. C’est avec l’une de leurs deux œuvres fondatrices que les musiciens de Court-Circuit ont enchaîné sous la direction de leur actuel directeur musical, l’excellent Jean Deroyer, Talea que Gérard Grisey (1946-1998) composa en 1985-1986 pour flûte, clarinette, violon, violoncelle et piano. C’est à Anne Cartel, Pierre Dutrieu, Pierre Bleuse, Renaud Déjardin et Jean-Marie Cottet qu’est revenu le soin d’interpréter Talea, qui, en latin, signifie « coupure » et désigne dans la musique médiévale une structure rythmique répétée sur laquelle se greffe une configuration de hauteurs également répétées qui coïncide plus ou moins à la première et que l’on nomme « color » et qui différencie aujourd’hui hauteurs et durées. L’œuvre compte deux parties enchaînées qui présentent deux aspects d’un même phénomène auditif, glissant de la polyphonie vers l’homophonie. Cottet a transcendé les limites sonores de son Steinway demi-queue dans la somptueuse pièce pour piano La Mandragore que Tristan Murail (né en 1947) a écrite en 1993 qui, sous ses doigts d’airain au service de l’onirisme et de l’évocation, a atteint la dimension d’un grand classique pianistique, confirmant ainsi combien Murail est l’un des grands maîtres contemporains du piano. Anne Cartel, Pierre Dutrieu, Cécile Kubik et Renaud Déjardin ont rejoint Cottet pour jouer en présence de son auteur Continuo(ns)que Philippe Leroux (né en 1958) a dédié en 1994 à Philippe Hurel, œuvre ludique et brillante fondée sur la note-pivot ré que les musiciens de Court-Circuit qui l’ont pour la plupart créée ont jouée avec un plaisir communicatif.

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Par Bruno Serrou
Le 20 février 2012

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